Nous ne pleurerons pas les vitrines fracassées.

On entend beaucoup de voix s’élever pour condamner sans appel les derniers actes de vandalisme dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. De toute part de la sphère politiques, on s’indigne et crie au scandale face à ces gestes “violents” et “immatures”. Mais ces critiques tombent très souvent dans des lieux communs et dans un refus idéologique de la “violence”, fût-elle dirigée contre des objets, quand elle échappe au monopole de l’État.

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La violence du vandalisme répond à celle du processus de gentrification et l’un comme l’autre peuvent frapper arbitrairement. Si l’on se désole pour la dégradation du salon de coiffure de Julie Duquette, on devrait également s’attrister de voir over and over again des montagnes de meubles sous la pluie ou la neige pendant des expulsions. Ce qui est certain, c’est que ces actes de vandalisme sont l’expression d’une colère qui gronde dans le quartier. Mais des raisons de se fâcher, il y en a légion. Vous doutez que la gentrification soit un processus violent ? Détrompez-vous. Au-delà de l’image spectaculaire des expulsions ou celle des vitres brisées, il nous faut pour les comprendre l’une et l’autre approfondir notre compréhension du phénomène. La gentrification, c’est la confiscation d’un milieu de vie pour le transformer en marchandise. Ce n’est pas un phénomène naturel, mais le fruit d’un ensemble de décisions d’acteurs politiques et économiques, de collusion entre ceux-ci. La gentrification est un gigantesque projet politique, social, publicitaire et policier qui exacerbe la précarité des plus vulnérables et vise à créer des conditions propices à l’invasion de notre quartier par une clique de promoteurs et commerçants désireux de le façonner à leur image. En tant que telle, elle entraîne forcément une résistance de la part de résident.e.s qui refusent d’accepter que leur quartier se meurt. C’est-à-dire qu’en lieu et place d’une chose vivante, avec laquelle on entretient un dialogue, qui nous définit autant qu’on le définit, on voudrait en faire une chose morte, que l’on peut calculer, prévoir ses marges de profits, transiger, vendre. Or, le tissu social que les gentrificateurs nous propose est déjà sclérosé par leur vision commerciale du vivre-ensemble.

1308012-boutique-showroom-montreal-ete-vandaliseeNous croyons qu’il est important de continuer à fustiger contre le mensonge de la mixité sociale, un autre fétiche publicitaire cher aux gentrificateurs. À notre avis, il ne s’agit que d’un néologisme pompeux qui désigne une période de transition vers l’embourgeoisement irréversible d’un quartier. C’est une illusion indéfendable. Dans un contexte où les assisté.e.s sociaux subissent des attaques sans précédent qui visent à les forcer au travail salarié précaire, où les coûts de la nourriture sont en pleine explosion, où le recours aux banques alimentaires est en constante hausse, comment alors supposer que les pauvres pourront supporter les hausses de loyer qui découlent obligatoirement du processus gentrificateur. Si les critiques des vandales prônent la mixité sociale ils et elles devront accepter de vivre avec des “casseurs et de casseuses” dans Hochelaga-Maissonneuve. Parce qu’une des conséquences de ces actes de vandalisme, c’est qu’ils forcent les gens à prendre position sur la gentrification. On n’a jamais autant parlé du phénomène qui sévit à Hochelag’, et si certain.e.s voudraient faire dériver le débat sur la légitimité de la violence, nous ne tomberons pas dans ce piège.

Par Étienne Marcotte