Printemps de chien

par Ariane

Dans la ruelle, les enfants cherchent le chien de la voisine.
Y a Andy qui crie. C’est lui qui l’a vu se sauver en premier. David court derrière lui, avec son arc, son carquois pis ses flèches, fabriqués l’été passé. Léa tente de les raisonner : « Laissez faire! Ben oui, c’est un chien, vous l’aimez, mais c’était aux voisins à pas partir de chez eux avec les portes débarrées ». Olivia-Rose essaie de se mettre dans la tête du chien pour le retracer. Elle réfléchit à voix haute, avec son accent français, le seul de la gang. Elle est la plus petite et personne ne l’écoute. L’heure du souper approche, le temps commence à presser. Résonne le bruit des bottes qui traînent sur l’asphalte, et celui des restants de neige crunchy qui revole sous les pas pressés.

La voisine arrive, avec ses joues rouges, ses cheveux pris dans le vent pis sa chemise carreautée de circonstance. C’est le premier jour du printemps, tu sais. Pas officiellement, mais c’est la première journée qu’on le sent. En tout cas. Elle est belle. La journée, je veux dire. Je parle pas de la voisine.

Les enfants accourent en criant pour lui raconter, pour son chien. Ils déballent toute l’histoire à son sourire. Le gars pis la fille du troisième se pointent sur leur balcon. Ils apprennent eux aussi ce qui s’est passé.
Il part souvent se promener, le chien, qu’on leur dit. Personne n’est vraiment inquiet.
Sauf Andy.
La voisine-qui-a-perdu-son-chien part avec la ribambelle d’enfants-sauveurs. Le gars du troisième rentre, la fille sort un livre et s’installe en haut du colimaçon. Les rayons, déshabitués, ont à peine le temps de trouver son visage que le contingent réinvestit la ruelle. Drama babillant. Il va revenir tout seul, le chien, qu’on leur dit. C’est pas la première fois.

Les jeux s’enchaînent, les balcons continuent de se peupler.
La ruelle est bonne, au printemps.

Le briques du bloc d’en face absorbent le dernier rayon d’aujourd’hui.

Les enfants accotent leurs vélos aux clôtures et David accroche son arc au balcon.
Je rentre.
Les enfants aussi.
Le chien n’est pas encore revenu.

Dans la cuisine, j’entrouvre la fenêtre.
Au cas où mes pensées voudraient s’échapper.

Un jappement.
Un cri : « Alicia? Ali? Y est là, on l’a retrouvé! »

Alicia, qu’elle s’appelle, la voisine.
Ali.
C’est beau.

J’ai hâte au prochain printemps de chien.