Hochelaga, la police et le nettoyage social

De New York à Barcelone, de Paris à Athènes ou encore du Plateau à Hochelaga, la police fait partie intégrale du processus de gentrification. Son rôle actif relève autant du nettoyage social nécessaire à la transformation d’un territoire en marchandise qu’au contrôle répressif des éclats de colère qui accueillent inévitablement un processus aussi violent. Les flics sont en première ligne lorsqu’il s’agit d’expulser des locataires en défaut de paiement ou lorsque les politiques décident de dissimuler la prostitution ou les crackhouses aux yeux pudiques des nouveaux et nouvelles résident.e.s.

Dans les années ‘80-‘90, Hochelaga avait une sale réputation, son passé d’El Dorado ouvrier était un souvenir terne, lointain. Les locaux commerciaux et les logements inoccupés étaient légions, le taux de crime était élevé, un des plus hauts au pays. Des élus, des commerçants et des promoteurs ont alors commencé à se retrousser les manches pour transformer Hochelag’ en une marchandise qui trouverait acheteur. Au cœur de leur réflexion : trouver comment « améliorer l’image du quartier en réduisant au minimum les facteurs qui font fuir les investissements et les gens ». Pour ce faire, c’est-à-dire pour rendre invitant le quartier à des investisseurs et des gens (lire ici, consommateurs), il leur fallait impérativement régler le problème de l’image d’un quartier dangereux. C’est dans cette optique que se sont multipliées les descentes contre les motards, les gangs de rue, dans les crackhouses et que les zones où la prostitution étaient tolérée ont commencées à rapetisser  à vue d’œil, pour, au final, repousser les travailleur.se.s du sexe dans des zones très peu sécuritaire. Autrement dit, politiciens, promoteurs et policiers se sont efforcés de transférer le sentiment de danger sur ceux et celles qui menaçaient la paix commerciale fantasmée.

Cela va sans dire, ce n’est pas sans heurt que la gentrification modifie un territoire avec l’aide de son bras armé. Parce qu’au final, l’important ce n’est pas que le quartier soit sécuritaire, c’est qu’il en ait l’image et que les consommateurs s’y sentent bien. Que ce qu’on considère comme des crimes ne soit souvent que le résultat de l’état de pauvreté dans lesquels les gens sont maintenus par le système capitaliste, ça n’a pas d’importance. On s’en fout de savoir que les gens essaient souvent de se tirer de la misère ou de la rendre plus tolérable et tombent dans ce que l’on considère des activités criminelles. On s’en fout de savoir que l’un des aspects majeurs de la violence que subit la population du quartier, la violence faite aux femmes, soit le fruit du système patriarcal, bien ancré au fond de nous et que la simple présence de flics ne pourra jamais abolir. On s’en fout que les jeunes du quartier ne voient pas trop d’avenir dans ce système et préfèrent boire des bières dans la rue que de penser à se trouver une job au salaire minimum. L’important est de donner une image de sécurité.

Bref, dans une société qui se veut de plus en plus sécuritaire, le processus de gentrification vient justifier une panoplie de mesures, de dispositifs et d’actions policières qui, en retour, viennent alimenter la manne de la gentrification. Les deux vont main dans la main. Avoir une perspective critique de la gentrification appelle à en avoir une de la police.

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Hochelaga, police and social cleansing

From New York to Barcelona, Paris to Athens or the Plateau to Hochelaga, the police forces make up an integral part of the process of gentrification. Their active roles span from social cleansing necessary to transform a given territory to the repressive control of outbursts that inevitably greet such a violent process. Cops are at the frontline when it comes to the expulsion non-paying tenants or the politically motivated hiding of prostitution and crackhouses from the prudish eyes of the new residents.

In the 80s and 90s, Hochelaga was known for being a rough neighborhood, the El Dorado working class was a dull and distant memory. Commercial real estate and residential housings were left abandoned, crime rates were one of the highest in all of Canada. Elected representatives , businessmen and property developers began rolling up their sleeves to transform Hochelag’ into a commodity to be brought to market. At the heart of their reflexion : finding how to “increase the neighbourhood’s appeal and to minimize the factors that scare off investors and people”. To do so, to make the neighbourhood welcoming to investors and people(read consumers), they would have to clean away the imaginary of hochelaga as a dangerous neighbourhood. To this regard, there has been a significant increase in police raids of gangs, crackhouses and a visible shrinking in size of prostitution tolerated zones (to finally push sex workers into less secure areas). In other words, politicians, real estate developers and the police force have made and continue to make a directed effort to transfer fear onto people who threaten the fantasy commercial peace.

It goes without saying that it is not without clashes that gentrification modifies a neighbourhood with the help of it’s iron fist. As whether or not the neighbourhood is actually safe is not of the utmost importance, rather it is necessary that it is being perceived and represented as safe and it is appealing to consumers. Insofar as what is considered criminal activities, it is often just the result of the state of poverty in which the capitalist system maintains so many people, and therefore of no inherent significance. No fuck given to know that people are trying to keep their heads above water or make more tolerable their misery through theft, fraud, whatever. No fucks given that one of the dominant aspects of violence of the neighbourhood, violence against women, is the result of the patriarchal system, deeply-held in us and that the police presence will never abolish. No fucks given that youths don’t see any future in this system and prefer to drink beer in parks and play dice than go and work for minimum wage for the rest of their lives. The “importance” is to provide a representation of safety

In short, in a society that is becoming more and more secure, the gentrification process justifies an array of police-minded measures, resources and actions which, in return, is fuel to the fire of gentrifiers. They both walk hand in hand. To think critically about gentrification means thinking critically of the police.