Considérations sur la nouvelle place du 375e de Montréal

Une nouvelle place publique dans Hochelaga et la rénovation du viaduc Ontario viennent d’être annoncées. La place se trouvera en face de l’Église de la nativité de la sainte vierge, coin Ontario / Dézery. Elle sert à mettre en valeur “l’architecture” de l’Église, en disposant un motif au sol identique à celui sur le bâtiment. La place est faite entre autre pour célébrer les 150 ans de L’Église. Ces deux projets servent à « revitaliser » l’entrée du quartier, question de donner une belle première impression des promenades.

«Ce sera une entrée de prestige qui enverra à la population le message qu’il fait bon vivre à Hochelaga. Ce sera une transformation complète du secteur. On passera du « il ne se passe rien ici » à « tout s’y passe »», annonce le conseiller de Hochelaga, Éric Alan Caldwell.

Il s’y passe des choses, c’est seulement qu’elles sont pas assez hype pour vous.

Au delà de l’aspect évident de pente glissante vers une superbe place Valois #2 et autres considérations légitimes comme le manque de tables à picnic, la disparition de l’arrêt d’autobus, la disparition d’une œuvre « hommage aux ouvriers » et le gaspillage d’argent public (un million $), quelques autres aspects sont laissés de côté et ils se doivent d’être discutés sur la place publique.

L’aménagement du viaduc, dans le but de « rendre l’expérience de l’usager unique », est aussi un des beaux aspects des ces rénovations! Comme quoi on essaie vraiment de rendre trendy n’importe quoi, même marcher sous un pont!

1- Délire sécuritaire.

«Les prostituées exercent souvent dans des lieux reclus et à l’abri des regards. Lorsque l’endroit sera réaménagé et animé, les citoyens se l’approprieront. Elles ne pourront plus y travailler», fait valoir M. Caldwell.

Mais monsieur Caldwell, les prostituées, elles sont pas des citoyennes?

Il semblerait que l’éclairage soit une partie hyper importante dudit projet. Avec environs 12 lampadaires et projecteurs lumineux pour une place plus petite qu’une rue (où se trouveraient 2-3 lampadaires), on en comprend mal la pertinence. On nous dit que c’est pour la sécurité, comme si la rue Ontario n’était pas déjà assez éclairée comme ça. Cette volonté de policer l’espace public et d’empêcher toute utilisation non idoine est assez inquiétante. On se doute déjà que les bancs dans cette place seront faits de manière à empêcher les gens de dormir dessus, que tout « flânage » durant la nuit servira de prétexte à donner des tickets.

2- Le colonialisme.

On en parle pas assez de ça. La célébration de « l’anniversaire de Montréal » comme quelque chose de génial est en soit problématique. On doit se rendre compte que Montréal a été bati sur l’asservissement et l’anéantissement de plusieurs peuples autochtones, particulièrement le peuple Kanien’kehá:ka « Mohawk » de la confédération Haudenosaunee qui revendique entre autres le territoire de l’île. Il a été un lieu historique de rencontre pour les autres nations autochtones, incluant les peuples algonquins. « Montréal » a d’autres noms, comme Tiohtia:ke et est illégitimement occupé. Faute d’histoire, on en sait très peu sur ce que cette île représentait pour les occupant.e.s légitimes et par quels peuples exactement elle était utilisée. Peut être qu’au delà d’une célébration, il y a un peu de remise en question qui est de mise.

L’histoire coloniale ou « apolitique » de Montréal célébrée avec le 375e donne une impression d’immense œuvre de bienfaisance et d’hommage au « Progrès ». Une histoire qui ressemble au mythe libéral de longue marche vers la liberté, maintenant atteinte. Mais vraiment, qu’en est-il? La récupération de la signature du traité menant à « la grande paix de Montréal » comme événement montréalais de réconciliation est une réécriture de l’histoire digne de la fable du héros Des Ormeaux. La part de l’Église dans ce processus n’est plus à prouver. La glorification des missions religieuses et autres colons assimilateurs au travers des festivités de cette année est aussi à pleurer, quand on voit les traitements des pensionnats autochtones récemment mis en lumière1.

Donc, la place du 375e, pour mettre en valeur l’Église… vraiment vraiment moyen.

Un petit examen de conscience est nécessaire.

1Un des milliers d’articles: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/369118/survivre-aux-pensionnats-autochtones