La mixité sociale pour qui?

J’ai toujours pensé que notre arrondissement ne s’était pas gentrifié, mais plutôt embourgeoisé, dit Réal Ménard, maire de Hochelaga-Maisonneuve. La gentrification implique que les habitants sont évincés au profit d’autres individus. Au contraire, on a construit la première génération de condos dans des lieux vacants et des bâtiments industriels recyclés. » À ses yeux, HoMa est l’incarnation même de la mixité sociale. « Les résidants de longue date et les nouveaux venus réussissent à cohabiter ainsi qu’à partager des services », observe le maire, qui espère que ce bon voisinage se poursuivra.vivreensemble

Multiples sont les personnes qui défendent ce qu’elles appellent la mixité sociale. La cohabitation entre personnes aux revenus différents est ainsi décrite comme synonyme de paix sociale; en rapprochant de façon spatiale des personnes provenant de classes sociales diverses, on vise à créer un sentiment de proximité entre habitant.es du quartier. Une telle conception de la mixité est idéaliste et surtout irréalisable:comment peuvent exister dans un même endroit des restaurateurs de luxe, des consommateurs et consommatrices de produits fins et des personnes bénéficiant de l’aide sociale? Comment rêver d’un quartier sans heurts lorsque sur une même place se côtoient des personnes marginalisées et des bourgeois.es festoyant et dépensant ce que d’autres peinent à économiser pour voir la fin du mois?

Répéter que la mixité sociale est bénéfique entraîne une certaine naturalisation des inégalités économiques: on considère que celles-ci sont inévitables, et doivent donc être acceptées sans remise en question.

En outre, ce n’est que lorsqu’un quartier devient attrayant d’un point de vue commercial qu’on commence à s’intéresser à la qualité de vie dans celui-ci. Les besoins des populations plus aisées sont écoutés en priorité : on tente d’augmenter leur sentiment de sécurité, on pense au verdissement des espaces, on ajoute à l’offre des produits et services qui leur sont destinés. La mixité sociale a alors pour conséquence d’invisibiliser, voire de réprimer les populations les plus marginalisées afin de rendre la cohabitation plus acceptable, surtout pour les classes sociales les plus fortunées : réprimer le flânage, repousser la prostitution, augmenter la surveillance, etc.

La mixité sociale tant louangée par les élu.es et les propriétaires de commerces n’est qu’un concept idéologique, dont l’effectivité réelle ne fait que participer au processus de dépossession du quartier au détriment des populations déjà marginalisées. Il s’agit d’une tentative du pouvoir de s’approprier les critiques formulées contre la gentrification, dans le but de les pacifier et d’entamer un processus d’acceptabilité sociale.